Gérer les fournisseurs critiques dans les périodes difficiles

Corcentric

Certains fournisseurs ont des équipes Achats quasiment à leur botte. Les relations ne sont pas particulièrement fortes et ces fournisseurs sont rarement disposés à venir à la table des négociations. Mais ils n’ont pas vraiment besoin de se soucier d’améliorer ces relations ou de couper la poire en deux avec les acheteurs sur les prix ou les conditions. Ils existent sur le marché des fournisseurs critiques, ils le savent, et les Achats doivent simplement s’en accommoder…

Vraiment ?

La matrice de Kraljic

Dans un premier temps, regardons brièvement la matrice elle-même. Peter Kraljic a élaboré une matrice au début des années 1980 pour décrire les relations avec les fournisseurs selon deux dimensions clés :

  1. La complexité du marché de l’offre (risque d’approvisionnement) : à quoi ressemble le paysage du marché en termes de rareté des produits ? Le marché est-il détenu par quelques acteurs clés (ou un seul) ou les barrières à l’entrée sont-elles faibles ? Y a-t-il des risques inhérents à la chaîne d’approvisionnement ? Des produits ou services de substitution sont-ils disponibles ?
  2. L’importance des achats (impact sur les bénéfices) : quelle est l’importance d’un produit ou d’un service en termes de valeur ajoutée pour l’activité d’une organisation ? Quel pourcentage du coût total de ce produit peut être attribué à cet achat ?

La cartographie de ces dimensions sous forme de quadrant nous donne quatre types de fournisseurs principaux.

De tous les quadrants, celui des achats « critiques » est probablement le plus susceptible de donner des sueurs froides aux équipes Achats.

Relations avec les fournisseurs critiques

Ce quadrant comprend quelques points communs particulièrement délicats :

  • Comme pour les articles non critiques, les achats ne sont généralement pas un composant principal des produits d’une organisation.
  • Contrairement aux articles non critiques, le marché n’est pas inondé de fournisseurs. Il se peut ainsi que quelques fournisseurs accaparent le marché.
  • Les risques de rupture d’approvisionnement sont prononcés dans ce cas.

Voici plusieurs exemples:

  • Du côté des dépenses directes, pensez à la peinture utilisée pour peindre une voiture vendue par un fabricant de voiture. C’est une étape de finition, mais qui arrêtera la production si cette peinture n’est pas disponible.
  • Du côté des dépenses indirectes, pensez à la gestion des déchets. La gestion des déchets ne contribue pas directement au produit d’une organisation, mais imaginez à quel point un site de production serait bloqué en l’absence de prise en charge des déchets pendant des semaines.

Ces fournisseurs sont conscients de tout cela. Jetez un coup d’œil à votre contrat de gestion des déchets pour en avoir la preuve. Dans de nombreux cas, les contrats ont une longue durée (cinq ans ou plus), des dispositions limitées de résiliation au gré de la partie contractante et des pénalités incroyablement élevées en cas de résiliation anticipée d’un contrat (parfois 50 % de la valeur restante du contrat). Vous n’appréciez pas ces conditions ou les prix des prestations ? Difficile de faire quoi que ce soit : le prestataire existant contrôle le marché et vous allez payer des frais de transport énormes pour rejoindre la décharge ou l’usine de recyclage la plus proche avec un autre fournisseur. En outre, les conditions de cet autre fournisseur ne seront probablement pas beaucoup plus favorables.

Gestion des fournisseurs critiques

Le conseil traditionnel pour gérer les fournisseurs critiques faisant partie de ce quadrant est de limiter autant que possible l’exposition d’une organisation à un risque pour la chaîne d’approvisionnement. Le faible impact sur les bénéfices de l’organisation combiné à un risque accru relatif à l’offre signifie que nous avons plus à perdre qu’à gagner en perturbant ce quadrant.

La réduction des coûts peut être difficile dans ce quadrant et il serait peut-être préférable que le service Achats se concentre sur la manière de renforcer ces relations en période compliquée. La perte d’un fournisseur critique entraînerait l’arrêt des opérations. Cela serait incroyablement coûteux à long terme, même si le service Achats juge une perturbation peu probable aujourd’hui. Par conséquent, mieux vaut se préparer et il existe plusieurs stratégies pour cela.

Changement de quadrant : trouver d’autres fournisseurs

La position de force d’un fournisseur critique s’explique par la rareté relative sur le marché. Pour obtenir de meilleurs prix, il faut faire pencher la balance en faveur de l’acheteur, ce qui implique de trouver d’autres fournisseurs pour concurrencer le fournisseur existant.

Le choix évident est celui d’un concurrent direct proposant des produits similaires. Pour ce faire, il nous faudra peut-être élargir notre recherche pour inclure une zone géographique plus vaste ou assouplir les KPI des fournisseurs acceptables, ce qui, sans être idéal, est faisable.

Le service Achats devra examiner en profondeur le champ d’application avec les parties prenantes pour évaluer cette possibilité.

  • Combien d’attributs sont des éléments accessoires plutôt que des besoins ?
  • Certains éléments du produit présentent-ils un cahier des charges trop exigeant par rapport au besoin réel ?
  • Pour tout ce qui correspond aux deux questions ci-dessus, quelle est la marge de manœuvre concernant les exigences en termes de niveaux de tolérance ?

Changement de quadrant : trouver d’autres produits ou services

Le problème avec la stratégie ci-dessus, c’est qu’une équipe Achats compétente aura déjà cherché d’autres fournisseurs. Dans ce cas, une autre solution consiste à trouver un autre produit ou service. Existe-t-il des alternatives qui feraient aussi bien ou mieux l’affaire ? C’est une démarche moins évidente.

Un exemple peut donc être utile. Pensez à la photographie de produits : travailler avec un seul photographe pour toute une marque garantit non seulement une qualité constante, mais aussi une image de marque homogène. On ne peut pas faire appel à un nouveau studio et s’attendre à ce qu’il donne le même résultat. Et si ce photographe, qui est votre unique fournisseur, se retrouvait surchargé de travail avec d’autres clients ? La situation serait critique. Nous pourrions avoir recours à un deuxième studio malgré les complications liées à l’image de marque, mais ce serait un casse-tête. Cette situation perdurera tant que nous utiliserons des photographes de produits.

Par conséquent, dites adieu aux photographes de produits.

L’univers du rendu numérique est arrivé à un stade où il peut concurrencer la photographie à un prix acceptable. Au-delà des avantages de suivi, le rendu peut faire des choses qui sont impossibles avec la photographie. Il facilite également la répétabilité et la diffusion entre plusieurs fournisseurs. Nous avons introduit de la concurrence et nous retrouvons ainsi un certain effet de levier.

Renforcer la chaîne d’approvisionnement

L’intérêt de notre exemple photographie/rendu ci-dessus va au-delà de la réduction des coûts. Nous veillons également à ce que, si un photographe ne peut pas prendre de photos pour une raison ou une autre, le Marketing ne soit pas paralysé. Finalement, c’est la chose la plus importante que le service Achats puisse faire dans les relations avec les fournisseurs critiques : s’assurer de développer des plans de secours et des redondances tout au long des chaînes d’approvisionnement.

Trouver d’autres fournisseurs ou des fournisseurs de produits alternatifs acceptables est un moyen de renforcer la chaîne d’approvisionnement. Les Achats doivent également :

  • Travailler avec les parties prenantes pour établir et affiner les prévisions des besoins. Il est essentiel de pouvoir anticiper les besoins, car être pris au dépourvu peut avoir des conséquences désastreuses sur les marchés où les alternatives sont peu nombreuses ;
  • Augmenter le stock si possible pendant les périodes où les risques sont plus élevés. Si, par exemple, le site de production d’un fournisseur critique est touché par la saison des ouragans, il conviendra de s’approvisionner avant le début de cette saison ;
  • Identifier des stratégies logistiques alternatives. Si vous optez généralement pour le transport par camion, disposer d’une alternative par voie aérienne ou maritime pourrait vous éviter toute perturbation pour les déplacements entre pays.

Ce renforcement ne réduira peut-être pas les coûts ici et maintenant, mais atténuera grandement les augmentations de coûts en cas d’événements catastrophiques.

Continuons !

Voici quelques bonnes et mauvaises nouvelles. La mauvaise nouvelle, c’est que nous ne pourrons jamais « résoudre » tous les problèmes du marché des fournisseurs. Les Achats devront toujours avoir des stratégies en place pour atténuer les effets liés à la position de force des fournisseurs ou y échapper.

La bonne nouvelle, c’est que les stratégies examinées aujourd’hui vont nous aider. Outre les fournisseurs critiques, ces stratégies vont également contribuer à améliorer nos relations dans les autres quadrants.